Le droit français face aux plateformes numériques de participation du public

Maxime de la Bruyère, Saïdou Diop et Loreline Dourneau
Doctorants contractuels à l’Institut Louis Favoreu, Aix-Marseille Université
L’article analyse le droit français en matière de participation du public à une décision de l’autorité publique via l’outil numérique. Malgré la prolifération des plateformes officielles de participation, le droit interdit d’y recourir dans les procédures de délégation du pouvoir décisionnel. En outre, le numérique appelle des normes spécifiques : cet outil, irréductible à une simple modalité de la procédure, engage des choix de modalités techniques. À la charnière de ces constats, la question est de savoir si le droit en vigueur saisit les procédures numériques de participation. Le principe démocratique est ici concerné : sa concrétisation, en effet, dépend de l’association effective des destinataires des normes à leur production et du contrôle des actions de l’autorité publique et des procédures de participation qu’elle met en œuvre. Or, l’étude démontre les lacunes du droit applicable à la mise en œuvre numérique des procédures de participation du public du fait de la diversité des règles applicables et de leur manque de spécificité. This article analyses French law governing public participation in public authority decision-making via digital means. Despite the proliferation of official digital participation platforms, the law prohibits their use in decision-making delegation procedures. Furthermore, digital technology calls for specific standards : this tool, which cannot be reduced to a simple procedural modality, requires choices to be made about technical methods. At the juncture of these observations, the question is to know whether the law in force grasps digital participation procedures. This raises an issue of democratic principle. Its achievement requires the effective involvement of stakeholders in the production of standards as well as the monitoring of the actions of public authorities and of the participation procedures it implements. However, this paper shows the shortcomings of the law applicable to the digitization of public participation procedure due to the diversity of the applicable rules and their lack of specificity.
De manière large, une plateforme numérique de participation peut s’entendre comme un lieu dématérialisé de mise en relation entre plusieurs personnes. Notre approche se concentre sur les plateformes mises en œuvre dans le but d’une participation à une décision de l’autorité publique, plateformes s’étant multipliées ces dernières années, confirmant un mouvement d’institutionnalisation par la personne publique de la démocratie participative. Dans la suite de cet exposé, nous entendrons donc l’expression plateforme de participation du public comme tout lieu dématérialisé qui se fait support de la mise en relation du public avec l’autorité publique décisionnaire dans le cadre d’une procédure institutionnalisée. Le plus souvent, la personne publique sollicite le public destinataire de sa future décision pour connaître son avis sur son contenu mais existent également des mécanismes qui ouvrent au public la possibilité d’être à l’initiative de la procédure, la pétition étant ici l’exemple emblématique.
Cette approche implique ainsi de laisser de côté toutes les plateformes de participation échappant à l’institutionnalisation publique, les réseaux sociaux notamment. Elle implique également d’écarter les sites internet officiels ayant comme objectif la mise à disposition d’informations aux administrés. Les plateformes qui intéressent ce travail, en effet, n’ont pas pour visée la seule mise à disposition d’informations ni la seule invitation à l’exposition d’opinions plurielles, mais la production d’un résultat : elles recueillent des données de contribution et elles les traitent, minimalement les classent (que les deux dimensions soient synchrones ou distinctes, elles existent). Ces plateformes, qu’elles servent la participation au niveau local ou au niveau national, peuvent avoir été élaborées par un prestataire privé voire, très rarement, relever intégralement du secteur privé lorsque le droit prévoit des mécanismes habilitant les autorités publiques à les agréer. L’avis du Comité scientifique

L’étude constate qu’alors même que les plateformes numériques de participation du public sont valorisées et présentées comme un outil de participation susceptible de remédier à la crise de la démocratie participative, le droit positif est, en la matière, à la fois lacunaire, morcelé et partiel. Elle invite à une clarification des règles en la matière, afin de satisfaire l’exigence de transparence de l’action publique et envisage l’hypothèse d’une codification du droit de la participation du public, à droit constant comme à droit réformatoire. Le recours aux plateformes numériques de participation du public ne serait plus seulement un gadget entre les mains des autorités normatives afin de légitimer l’action publique ; elle deviendrait la concrétisation de l’exigence posée par l’article 6 de la Déclaration de 1789 selon laquelle « Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants à la formation de la loi ».

Ariane VIDAL-NAQUET

Professeure de droit public à l’Université Aix-Marseille

Le développement de ces plateformes va de pair avec un discours valorisant un renouveau démocratique, la participation étant alors présentée comme une solution à ce qui est repéré comme une « crise » du régime représentatif. Cependant, participation ne signifie pas nécessairement décision, ni même codécision, bien au contraire.

 

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